Un constat est à relever : l’économie du savoir et de l’immatériel sera la plus forte source de croissance des pays dans ce XXIe siècle. La Tunisie a une carte à jouer et pourrait bénéficier de réelles opportunités offertes par cette nouvelle économie, le moteur déterminant de la croissance, du développement économique et social et de la compétitivité des entreprises.
Le développement de l’économie du savoir est considéré comme le défi essentiel des sociétés contemporaines. Il est évident que cette économie n’est pas un effet de mode, mais correspond à un nouveau mode de développement. Consciente de l’importance de cet enjeu, la Tunisie a élaboré depuis 2016 une étude en la matière, qui vise à développer l’administration électronique «Smart Gov 2020», qui fait partie de la «e-stratégie», dont l’objectif est d’évoluer vers une administration efficace, inclusive et ouverte au service du citoyen et de l’entreprise à travers le développement de l’économie du savoir et l’introduction des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) dans tous les compartiments de la vie du Tunisien.
Trois objectifs prioritaires
La Tunisie a imaginé ses propres chemins vers l’économie de la connaissance, en intégrant certaines constantes observées ailleurs. Dans ce contexte, les TIC sont considérées comme un vecteur essentiel de réforme et de modernisation du secteur public, avec pour objectif une administration plus ouverte, plus efficace et plus proche des usagers. Cela doit se concrétiser dans la mise en œuvre de la «e-stratégie» qui a fixé comme objectifs prioritaires, l’amélioration de la relation avec les citoyens, l’amélioration de la performance des entreprises et la consolidation du processus de transition démocratique et de gouvernance publique en Tunisie. Ces objectifs doivent notamment se concrétiser par une généralisation des services en ligne, de façon plus large par une automatisation des traitements nécessitant, d’une part, des projets techniques pour mettre ces services en ligne et d’autre part, des projets structurels pour permettre ces mises en ligne.
A côté des chantiers techniques qui devront être réalisés par les différents secteurs, il y a, en effet, tout un écosystème à mettre en place ou à mettre à niveau.
Pour le programme «Smart Gov 2020», sa mission s’articule toujours autour de quatre axes majeurs qui seront centrés sur l’administration et les services publics autour des besoins de ces usagers, l’intégration de l’administration via l’interopérabilité et la mutualisation des infrastructures et des systèmes de l’Etat et l’échange électronique des données, l’ouverture de l’administration via un cadre de transparence, de participation citoyenne et de co-création de valeur… Le tout par l’appropriation du numérique en sécurisant la transformation numérique de l’administration, la généralisation de l’usage du numérique et l’instauration de la confiance numérique au sein de l’administration et avec ses usagers.
En parallèle à ces objectifs stratégiques, d’autres objectifs quantitatifs et qualitatifs ont été fixés. Pour les premiers, il s’agit de développer 200 nouveaux services en ligne afin d’aboutir progressivement pour chaque secteur à un catalogue de services à mettre en ligne en prenant en compte lors de la conception de ces services les éléments suivants : réingénierie de la procédure, analyse de la valeur et détermination du retour sur investissement, réponse aux besoins des utilisateurs.
S’agissant des objectifs qualitatifs, ils sont liés à la perception qui est faite du développement de l’administration électronique tunisienne. A cet égard, les deux points de référence, qui seront pris en compte pour la définition de ces objectifs qualitatifs, sont la satisfaction des usagers et la restauration de la confiance dans l’administration. Ainsi, l’objectif de la «e-stratégie» sera d’accroître la confiance dans l’appareil administratif et d’améliorer le taux de satisfaction des services redus par l’administration de 5% par an. La réalisation de cet objectif nécessite de mener des enquêtes de mesure et d’évaluation régulière afin de pouvoir suivre leur niveau de satisfaction au cours du temps auprès d’un groupe représentatif d’usagers des services en ligne.
Un autre objectif de taille : il s’agit de la valorisation de la Tunisie au niveau international dans le domaine de l’administration électronique. Il est à noter, dans ce cadre, que la référence internationale retenue pour mesurer le positionnement de la Tunisie dans le domaine de l’administration électronique est le système d’indicateurs de l’ONU intitulé UN e-Government Survey. L’objectif sera non pas de viser un niveau de classement déterminé, qui dépend de conditions exogènes, mais une progression dans la valeur des différents indices utilisés dans les différents domaines que sont la présence sur le web, l’infrastructure des télécommunications et les ressources humaines, ainsi que la e-participation.
Des projets structurants
Les projets structurants de la «e-stratégie» concernent les projets transversaux à déployer au niveau national pour supporter le développement de l’administration électronique. Le premier porte sur le développement d’un portail gouvernemental. Il s’agit d’un portail qui permettra de présenter l’administration dans son ensemble sous l’angle institutionnel, pour permettre à l’usager de comprendre l’administration. Ce projet sera le point d’entrée de tout internaute à la recherche d’informations sur le pays, il pourra ainsi accéder à une information précise, organisée en fonction de ses centres d’intérêt, fiable et actualisée.
Quant au deuxième projet, il vise à développer un portail de services qui proposera une approche orientée sur les cas d’usage. En replaçant l’usager au centre, en fonction de sa catégorie (citoyens, entreprises, associations, étudiants…), le portail répondra à des situations de vie, en faisant abstraction du ou des organismes responsables de la procédure. Si ce portail a avant tout comme objectif de renseigner l’usager sur les procédures administratives, il permettra également de l’aiguiller vers les services en ligne correspondants, et ceci au fur et à mesure de leur déploiement.
Le troisième projet consiste en la normalisation de la présence sur le web. Ainsi, l’interaction avec l’administration, au travers des nouveaux médias électroniques, nécessitera pour de nombreux usagers un cap à passer, un changement dans les habitudes, qui ne sera effectif que si cet usager sait identifier directement la valeur ajoutée apportée par les services offerts tout en ayant confiance dans le site avec lequel il interagit. Il est donc indispensable que les sites de l’administration tunisienne affichent une cohérence certaine, qui peut être appelée une image de marque.
Pour la démarche d’intégration de services, l’objectif est donc d’assurer l’intégration de l’administration, ce qui nécessite la généralisation de la dématérialisation des échanges entre les administrations, dans une optique sinon de suppression, au moins de réduction importante du papier. Par dématérialisation des échanges, on vise essentiellement l’interconnexion, et par conséquent l’interopérabilité des systèmes d’information.
Un autre projet de taille : le lancement d’un serveur de formulaires administratifs. En effet, la mise en ligne des formulaires est une priorité de la e-stratégie car elle représente un aspect très visible du développement de l’administration électronique vis-à-vis des usagers et elle permet de préparer le terrain, pour la mise en ligne de services, qui nécessite l’intégration de ces formulaires électroniques dans des processus complètement dématérialisés et intégrés au niveau des systèmes d’information.
Pour l’élaboration des e-stratégies sectorielles, le projet vise que chaque département ministériel sera chargé de décliner la e-stratégie au niveau de son secteur, en s’appuyant sur ses services déconcentrés et sur les établissements sous sa tutelle. Il devra en conséquence élaborer et déployer une e-stratégie sectorielle. Cette stratégie doit aboutir à dresser une liste de projets concrets, orientés vers l’usager ou vers le fonctionnement interne des services, et à les échelonner dans le temps tout en gardant à l’esprit les objectifs quantitatifs attachés à la e-stratégie.
Le dernier projet est la réalisation d’un plan de communication, l’une des composantes essentielles de la e-stratégie, qui consiste en un ensemble d’actions de communication, de sensibilisation, d’accompagnement et de formation des utilisateurs, aussi bien internes qu’externes. Ce plan devra, donc, mettre en avant les enjeux et le potentiel des TIC pour supporter la politique de modernisation de l’Etat tunisien, de la simplification administrative et de l’amélioration de la qualité des services publics.
Replacer l’usager au centre de la préoccupation de l’administration
Ainsi, pour conclure, outre la mise en ligne de services administratifs, l’administration électronique doit être également l’occasion de moderniser en profondeur les structures, de déployer des outils modernes d’échange et de travail, mais aussi et surtout de permettre aux différentes entités d’interopérer afin que l’administration électronique ne soit pas une finalité mais un moyen de rendre un service au public. Cette notion d’interopérabilité ouvre la voie au développement de services en ligne intégrés, qui seuls permettront de replacer l’usager au centre de la préoccupation de l’administration et de lui offrir un service de qualité.
Si, dans le cadre d’une procédure administrative, l’usager est mis à contribution pour acheminer des informations d’une administration à une autre, l’intégration des services lui permettra à terme de disposer d’un guichet unique s’appuyant sur un système d’information assurant l’échange automatique des informations de façon transversale entre les différentes administrations. Ne pas demander à l’usager une information en possession de l’administration devient ainsi un objectif concret de l’intégration des services permettant une relation plus simple avec les citoyens et donc une réduction du coût des démarches pour les entreprises.